1429 : Jeanne d'Arc écrit aux Rémois
par
Daniel Pellus
Le roi, renonçant à prendre Paris, licencie
son armée et se retire derechef à Bourges et au château de Chinon. Le
déception des villes qui s’étaient ralliées au roi est immense. Elle
est particulièrement ressentie à Reims, où l’on craint un retour
offensif des Bourguignons et de sévères représailles.
La seule personne qui, en cette période incertaine, tente de
réconforter les Rémois, ce n’est pas le roi, mais Jeanne d’Arc qui,
depuis la cérémonie du 17 juillet, garde une profonde affection pour la
cité des sacres. Elle écrit plusieurs fois à ses «chers et bons amis,
les bons et loyaux Français de la cité de Reims». Dans sa première
lettre (transcrite en français moderne) elle dit notamment : «Jeanne la
Pucelle vous fait savoir de ses nouvelles, et vous prie et vous
requiert que vous n’ayez aucune inquiétude sur la bonne querelle
qu’elle soutient pour le sang royal, et vous promets et certifie que je
ne vous abandonnerai pas tant que je vivrai. [...] Je vous requiers de
faire bon guet et de garder la bonne cité du roi, et faites moi savoir
s’il y a des oppresseurs qui vous veuillent faire tort, et aussi vite
que je pourrai, je vous en délivrerai. Faites moi savoir de vos
nouvelles. Je vous recommande à Dieu pour qu’il vous garde.»
Sept mois plus tard, tandis que Charles VII restait inactif au sud de
la Loire, et que Reims se sentait menacée d’un siège par les Anglais et
les Bourguignons qui dévastaient la Picardie et la Champagne, Jeanne
écrit une seconde lettre : «Vous n’aurez pas de siège, si je puis sous
peu rencontrer les ennemis. Et s’il arrivait que je ne les rencontrasse
pas et qu’ils vinssent au devant de vous, fermez leur vos portes, car
je serai bientôt près de vous, et s’ils y sont, je leur ferai chausser
leurs éperons en telle hâte qu’ils ne sauront pas où les prendre, et
cela arrivera si vite que ce sera bientôt.»

Lettre
de Jeanne d’Arc aux habitants de Reims du 16 mars 1430 envoyée de
Sully-sur-Loire :
«Tres
chiers et bien aimes et bien desiries a veoir,
Jehanne la pucelle ey receu vous lettres faisent mancion que vous vous
dopties davoir le sciege. Vulhes savoir que vous nares point, si je les
puis rencontrer bien bref, et si ainsi fut que je ne les recontrasse,
ne eux venissent devant vous, si vous fermes vous pourtes, car je serey
bien bref vers vous, et si eux y sont, je leur ferey chousier leurs
esperons si a aste quil ne saront par ho les prandre, et lever, cil y
est, si brief que ce sera bien tost. Autre chouse ne vous escri pour le
present, mes que vous soyez toutjours bons et loyals. Je prie a dieu
que vous ait en sa guarde. Escrit à Sulli, le XVIe jour de mars. Je
vous mandesse anquores auqunes nouvelles de quoy vous series bien
joyeux, mes je doubte que les lettres ne feussent prises en chemin et
que lon ne vit les dictes nouvelles.» Archives
municipales et communautaires de Reims.
La troisième lettre est écrite onze jours plus tard. Elle répond à une
lettre des Rémois qui craignent un complot ourdi par quelques partisans
du duc de Bourgogne vivant encore à Reims. Jeanne d’Arc les rassure :
«Cela est exact : on a informé le roi qu’un grand nombre de vos
compatriotes conspiraient contre lui et devraient livrer la ville aux
Bourguignons. Mais le roi a appris, depuis, le contraire et reçu les
garanties de fidélité que vous lui avez transmises : il en est très
content. Croyez bien que vous avez ses bonnes grâces, et que si vous
étiez dans l’embarras, si l’on vous assiégeait, il irait vous secourir.
Je sais parfaitement que vous avez beaucoup à souffrir par suite de la
cruauté de ces traîtres Bourguignons, nos ennemis. On vous en
délivrera, au plaisir de Dieu, prochainement, le plus vite possible...»
On connaît la suite. Les ennemis, Jeanne d’Arc les rencontrera, non à
Reims, mais à Compiègne où elle sera faite prisonnière...
Extrait
de Reims
1000-1600 - Six siècles d'événements de Daniel Pellus. ©
Éditions
Fradet, 2007. Tous droits réservés.