Mis à jour le 24/5/2018

Reims 1000-1600
Six siècles d'événements
Daniel Pellus

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1560 : veuve et orpheline, Marie Stuart se réfugie à Reims
par
Daniel Pellus
Marie
Stuart a dix-huit ans lorsqu’elle vient se réfugier en 1560 dans
l’abbaye de Saint-Pierre-les-Dames à Reims. Là, elle se sent chez elle.
L’abbesse, Renée de Lorraine, sœur du duc de Guise et du cardinal
Charles de Lorraine, est sa tante.
La jeune femme a déjà un passé chargé. Née le 8
décembre 1542 au château de Lintithgow, près d’Édimbourg, elle était la
fille du roi d’Écosse Jacques V et de Marie de Guise. Sa naissance
arrivait à l’époque où l’Écosse catholique était en guerre contre
l’Angleterre ennemie et protestante. C’est pourquoi, dès les premières
heures de sa vie, Marie Stuart se posait la question qui allait dominer
son existence et qui finalement causera sa perte, celle de
l’indépendance de l’Écosse vis-à-vis de l’Angleterre. Son père est mort
quelques jours après sa naissance, et Marie Stuart, âgée de sept jours,
est devenue reine d’Écosse, sa mère Marie de Guise assurant les
fonctions de régente.
Arrivée en France en 1548, Marie Stuart apprit le
français, qui devint rapidement sa langue naturelle. Ses relations avec
la ville de Reims furent dès sa jeunesse nombreuses et fréquentes, en
raison de sa parenté avec Charles et Renée de Lorraine. Dès l’âge de
six ans, elle trouva en eux des tuteurs et des conseillers qui
contribuèrent à son éducation.
On retrouve la trace de quelques-uns de ses séjours
à Reims. Notamment en 1551, lorsque le conseil de ville se réunit pour
voter les présents à la reine d’Écosse : «On lui donne, indique le
procès-verbal de la réunion, quatre poinçons de vin, douze paons et
douze poules des Indes.»
L’alliance de la France avec l’Écosse facilitera les
relations de Marie Stuart avec la maison de France. Elle y fut
accueillie comme un membre de la famille, et considérée par le petit
dauphin comme une sœur, avant de devenir sa fiancée en 1558.
Le mariage des jeunes fiancés a été célébré le 24
avril 1558, en présence de toute la cour. L’imprimerie existant déjà,
une petite brochure fut publiée, intitulée Discours du magnifique
triomphe fait au mariage du très noble et magnifique prince François de
Vallois, Roy-Dauphin, fils aîné du très chrétien roy de France Henri II
du nom, et de la très haute et vertueuse princesse Madame Marie
Stuart, reine d’Écosse, et relatant tous les détails de la cérémonie en
l’église Notre-Dame de Paris. Marie Stuart était vêtue de blanc, avec
une traîne «longue à merveilles». Elle portait une couronne d’or garnie
de perles, de diamants et d’émeraudes. Marie Stuart avait quinze ans,
et son mari quatorze ans!
Après la mort du roi Henri II, mortellement blessé
dans un tournoi, le jeune Dauphin, devenu roi de France sous le nom de
François II, sera sacré à Reims le 18 septembre 1559. Ce jour-là, le
duc de Guise est le second des pairs laïcs, et c’est son frère le
cardinal de Lorraine qui posera la couronne sur la tête de son neveu.
Marie Stuart assiste à la cérémonie, vêtue d’une grande robe «de toile
d’argent frisée», marchant sous un dais de velours rouge à franges
d’or. Elle attire tous les regards.
Le bonheur de Marie Stuart va être de courte durée.
Lorsqu’elle arrive à l’abbaye de Saint-Pierre-les-Dames, en 1560, elle
est accablée par deux deuils. Celui de son mari, le roi François II
qui, de santé fragile, est mort après dix-huit mois de mariage. Et
celui de sa mère Marie de Guise, morte à Édimbourg à l’âge de 45 ans.
Marie Stuart a fait transporter sa dépouille à l’abbaye
Saint-Pierre-les-Dames de Reims, où elle est inhumée dans le chœur de
l’église, et dont elle fait pour elle-même le refuge de son veuvage.
Marie Stuart passe l’hiver à Reims, puis se rend à
Nancy chez son cousin le duc de Lorraine. Comme elle redevenue
simplement reine d’Écosse, elle décide, malgré le regret de quitter le
pays de France qu’elle aime tant, de regagner son pays. Elle embarque à
Calais le 15 août 1561.
En Écosse, elle aura à lutter à la fois contre la
Réforme et contre les agissements secrets de la reine d’Angleterre.
Contrainte d’abdiquer en 1567, elle se réfugie en Angleterre, où elle
se laisse impliquer dans plusieurs complots contre la reine Élisabeth,
qui la fait emprisonner, juger, condamner à mort et décapiter. Avant
son exécution, Marie Stuart a exprimé son souhait d’être enterrée à
Reims, près de sa mère. Souhait qui ne sera pas respecté.
Reims gardera longtemps le souvenir de cette
malheureuse reine. L’année précédant son exécution, on pria pour elle,
raconte Pierre Coquault dans son journal : «L’on fait prières à
l’église de Reims pour la reine d’Ecosse, qui était tombée entre les
mains de la reine d’Angleterre.» La même année, le passage à Reims du
duc de Guise, parent de Marie Stuart, donnera lieu à une grande
manifestation publique pour la délivrance de la reine d’Écosse... Et en
1919, près de la rue qui porte aujourd’hui son nom, on montrait encore,
dans le quartier en ruines à la suite des bombardements allemands, la
fenêtre d’une chambre qu’aurait occupée Marie Stuart pendant son séjour
à Reims.
Il ne reste à Reims de Marie Stuart que son Livre
d’Heures, l’un des documents les plus précieux conservés à la
bibliothèque Carnegie. C’est un livre magnifiquement relié, portant les
armes du roi de France, François II, ainsi que les armes de l’Écosse.
Il est orné de planches, de titres gravés et de vignettes qui forment
pour chaque feuillet un encadrement gracieusement dessiné. Ce volume
fut apporté à Reims par Marie Stuart après son deuil, et laissé à son
départ à l’abbaye de Saint-Pierre-les-Dames.
Extrait
de Reims
1000-1600 - Six siècles d'événements de Daniel Pellus. ©
Éditions
Fradet, 2007. Tous droits réservés.
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L'histoire de Reims

Portrait de
Marie Stuart
en 1558 par François Clouet.
Bibliothèque municipale
de Reims.
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