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1900 : les tramways électriques remplacent les «cars à crottins»

par Daniel Pellus

    En 1900, Reims décide enfin de moderniser son réseau de transport en commun, en remplaçant les vieux tramways à chevaux que l’on appelait les «cars à crottins» par des «tramways électriques». Cette petite révolution urbaine ne s’est pas faite sans quelques réticences. Certains conseillers municipaux trouvaient notamment que la création d’un réseau électrique causerait un gros préjudice esthétique à la ville.

    Le docteur Pozzi, en présentant le projet, reconnut lui-même que «les toiles d’araignées qui résultent de l’enchevêtrement des fils sont incontestablement fort laides». Mais, ajoute-t-il, «on tâchera de réduire au minimum ce que le système électrique par fil aérien offre de disgracieux en plaçant judicieusement des poteaux d’un modèle décoratif et surtout en adoptant un système de prise de courant qui permette d’en diminuer le nombre ainsi que celui des haubans tendeurs, et d’éviter le plus possible l’empiètement des fils conducteurs sur la chaussée».

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C’était l’époque des tramways à chevaux...

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Un des premiers «cars électriques»


    Le projet est finalement adopté. Après des travaux qui ont duré plusieurs mois, l’inauguration de la première ligne Porte Paris - Cérès a lieu le 26 mai 1900. «Trois voitures ont été lancées successivement, écrit Le Courrier de la Champagne, et toutes, sauf une qu’on a dû remorquer au retour, ont parfaitement effectué le trajet du départ Cérès à la Porte Paris et vice-versa» en présence de nombreuses personnalités : le préfet de la Marne, le sous-préfet, Charles Arnould, maire de Reims, et son adjoint, le docteur Pozzi, etc. «Sur tout le parcours, ajoute le journaliste, une foule de curieux, commentant le grand événement du jour, attendait avec grande impatience l’heureux instant où elle allait enfin voir glisser sur les rails les tramways électriques dont on lui a parlé si longtemps. Place Royale principalement, le public est très dense et les marches de la statue de Louis XV sont envahies... Une grande partie de l’après-midi, deux tramways ont continué à fonctionner. Ils étaient mis gracieusement au service du public qui ne s’est pas fait faute de profiter  de la libéralité de la Compagnie.»

    Quatre lignes seront créées de 1900 à 1904 : celle de Dieu Lumière - Avenue de Laon, inaugurée le 20 septembre 1900, celle de Clairmarais - Sainte-Anne le 8 décembre 1900, celle de Neufchâtel - Sainte-Anne le 11 mai 1901, et la ligne des Boulevards Extérieurs - Pont  Neuf en 1904.

    Les Rémois s’habituent vite à ce mode de transport, qui donne bientôt naissance à un nouveau genre de faits divers, comme celui qu’un journal local du 10 décembre 1900 relate sous le titre Le car, la remorque et le poivrot : «Tout le monde connaît la descente de la rue du Barbâtre. Les cars électriques s’y laissent aller tout seul, sans fluide. Hier, un car et sa remorque allaient donc de leur petit voyage, sur cette pente qui fit tant souffler les rosses des tramways à crottins, lorsque le manchon d’attelage de la remorque se rompit soudainement.

    «Le watman arrêta brusquement le car et la remorque, qui continuait à rouler, vint se précipiter sur l’arrière du car. Le choc fut assez violent. Un poivrot qui dormait béatement dans la remorque en a vu 36 chandelles et est allé prendre un billet de parterre sur la chaussée. Le poivrot, qui s’est luxé le nase, a reçu les soins dans une pharmacie voisine».

    Ce réseau de tramways sera supprimé en 1939 — pendant la «drôle de guerre» — et remplacé par un réseau d’autobus.

    Par la suite, dans les années 90, il y aura bien une tentative pour recréer à Reims, comme dans d’autres villes, un nouveau réseau de tramways. Mais le projet avortera, à la suite d’une opposition bien plus virulente que celle qui, au début du siècle, refusait le remplacement des tramways à crottins par des cars électriques...

    Extrait de Reims 1900-2000 - Un siècle d'événements de Daniel Pellus. © Éditions Fradet, 2001. Tous droits réservés.